.: Samedi après-midi :.
Un grand sac de sport noir traîne à mes pieds. A l'intérieur, différents articles de jonglerie. Les trois quart de ce que je gagne par prestation passe dans l'approvisionnement. Ca marche bien, alors je ne vais pas m'arrêter en si bon chemin. Et puis sans me vanter... Je me débrouille pas mal !
En équilibre sur ma Rolla Bolla, je tiens cinq circus de couleur différentes. Devant moi, un petit haut de forme est retourné, laissant le fond pour les dons. Dedans, quelques billets et quelques pièces - qui viennent presque toutes de ma poche - attendent de la compagnie. J'espère que ça va vite venir. J'étais au diabolo y a encore 30 minutes, mais j'ai remarqué que ça faisait moins sensation.
Les jambes qui ne cessent de bouger, je lance le premier bâton en l'air. Les autres suivent rapidement. Pendant ce temps, quelques personnes s'arrêtent pour me regarder. Puis elles repartent. Je sais bien ce qu'elles se disent. Les dreads, le sarouel noir, le haut trop large multicolore... "C'est un SDF, il fouille les poubelles, il vole..." Connards de bourgeois. Mais faut bien que je gagne du pognon moi aussi. Je les regarde partir avec un regard noir.
Les minutes défilent rapidement, malgré moi. Les habitants se ruent dans les magasins, s'arrêtant parfois pour me regarder, sourire aux lèvres, me donner un billet. Alors je les remercie d'un large sourire, d'un clin d'oeil pour les dames. Qu'elles soient belles ou non. Les moches aussi ont droit à un peu d'amour.
J'ai maintenant huit circus. Pendant que je jongle, je descends de ma Rolla et vais saluer les passants. Un jeune garçon qui a l'habitude de venir me voir, me suit, les yeux remplis d'étoile. Pour un bonhomme comme lui, je pourrais en faire un métier. Mais c'est trop de boulot et je suis pas le plus bosseur qui soit.
Finalement, c'est l'heure d'une pause. Je ramasse le chapeau, le vide et le met sur ma tête, y dissimulant quelques dreads. Je compte mes sous en grimaçant.
70 dollars... Ouais, j'ai connu mieux. Ils sont radins ou quoi aujourd'hui ?!Je range les sous dans ma poche, et regarde autour de moi. A quelques mètres, je vois un mec un peu louche. Je plisse les yeux. Il a une sale tronche. J'hausse les épaules et ramasse mes affaires. J'ai la dalle !
Planté au milieu du chemin, la tête en l'air, j'essaie de voir où je vais pouvoir aller manger. Puis je croise le regard du mec louche. Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'il me veut celui-là !
Je dis au revoir à mon plus fidèle admirateur et d'un pas déterminé, je m'approche du mystérieux mec. Je n'ai plus les hommes en horreur grâce au vampire qui me sert de colocataire, mais j'ai du mal en leur présence, en particulier s'ils se mettent à me fixer comme ça !
Oh toi là ! T'as rien de mieux à faire que de mater les gens comme ça ! Ouais... J'aurais pu être un peu plus diplomate. Mais, je connais pas ce mot. Si j'ai un truc à dire, je le dis. Ca sert à rien de faire des milliers de détours pour dire un truc simple. Au moins je suis vite compris et on sait tout de suite à qui on a à faire.