Nous sommes à New York, dans le Bronx. Le quartier le plus chaud de la Grande Pomme. Les lois sont dures dans la rue et bien différentes de celles des belles résidences et de leurs habitants bien sur eux. Je les déteste ces bourgeois et leur vie parfaite. Leur vie et leurs soucis superficiels. Leurs soucis de sales bourgeois. Ils me sortent par tous les trous. Ouais, je suis pas un poète. La vie est une chienne et j’ai décidé d’être un bâtard. J’ai pas eu besoin de me forcer. Je ne connais ni ma mère, ni mon père. Je suis un enfant de la DASS. Alors le chemin que j’ai suivi n’a presque rien de surprenant.

A l’époque pour me trouver, il suffisait de suivre la drogue et les réseaux de prostitution. J’ai commencé par me vendre. Au plus offrant. A quatorze ans, je n’avais pas les moyens de jouer les mijaurées. Mes longues dreads, mon corps long, fin et élancé, mes yeux clairs, tout était fait pour attirer le client. Autant vous dire que c’était pas une partie de plaisir tous les jours. Aujourd’hui je fais comme si tout ça m’était égal, mais ça me tient encore éveillé parfois. Seulement je le montre pas. J’ai ma petite fierté quand même.

Les passes ont duré plus de deux ans. Après je suis tombé dans la drogue. Pas comme consommateur, du moins pas au début. J’ai été mis en contact avec un dealer. Si je vendais pour lui, j’avais une bonne commission. J’étais pas très regardant. Dès l’instant où j’avais de quoi me nourrir et me fringuer, je prenais. Et puis dans ce quartier, soit tu te prostitues, soit tu deales, soit tu bosses dans un fastfood. Entre sentir la friture pendant des semaines pour toucher une misère et toucher un bon pécule en traînant dans les bonnes ruelles… Le choix est vite fait. Oui, c’est de la facilité, mais autant vous dire que ça me va très bien comme ça.

Malheureusement, cette vie bien rôdée ne pouvait pas durer toute ma chienne de vie. Non. Un soir, ma vie a basculé du jour au lendemain. J’étais en train de conclure une vente lorsque je me mis à trembler. Je ne savais pas trop ce qui se passait. L’acheteur me regardait avec des yeux ronds, il ne comprenait rien. Je le regardais, le suppliant de m’aider, mais autant parler à un mur. Il se mit à trembler à son tour et en instant, je n’étais plus moi-même. C’est tout ce que je me rappelle de cette nuit. Le lendemain, j’étais chez moi, allongé sur mon vieux canapé qui puait la bière, comme si de rien n’était. L’odeur de mon appartement me tourna la tête. Quand je voulu me rattacher les cheveux, je vis du sang sur mes mains. Pris de panique, je me lavais rapidement. Puis aux infos, j’ai compris. Un  camé avait été retrouvé mort, déchiqueté dans une ruelle. Celle où j’avais été. Dix grammes de cocaïne avaient été retrouvé sur lui. Je palis et me laissais tomber sur le canapé et les images de cette nuit me revinrent. Autant vous dire que j’ai été rapidement dépassé par les évènements.

Les mois qui suivirent, le même cinéma recommença à chaque pleine lune. Je fis rapidement le rapprochement avec les loups garous. Jamais je n’aurais pensé que ça existait en vrai et encore moins que j’en ferais partie. Et me voilà. Le poil saillant, esclave de la lune et de mes pulsions. Etrangement, c’est devenu un plus pour moi. Je n’ai peur de personne, je vais où je vais, quand je le veux. Je fais ce qu’il me plait.

Pour en venir à l’essentiel, ce qui m’a amené à Shadow Falls est un homme. Mais ne vous méprenez pas, c’est fini tout ça pour moi. J’ai juste suivi mon grand frère de cœur. Celui qui m’a plus ou moins sauvé de la merde dans laquelle je me trouvais quand on s’est rencontré. Il voulait quitter New York et je voulais le suivre. Rien ne me retenait là-bas alors nos valises on était vite faites. En revanche, cette école pour ‘créatures’, c’est pas pour moi. Pour l’instant, je jongle de temps en temps au centre commercial histoire de me faire un peu d’argent de poche. Ca paie la bouffe au moins une fois sur trois.